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Notes du cadrans I. Déménagements – 1

L’idée d’utiliser des appartements vacants, de faire fond sur cet événement social de la vie ordinaire que constitue un déménagement afin d’organiser, à un jour d’écart, un duo de performances, n’est survenue que peu de temps avant les événements effectifs. Dans le groupe d’amis qui s’est trouvé informellement réuni au cours des deux actions des 24 et 25 février dernier au soir, personne, avant je ne sais quel événement déclencheur, n’avait pensé à transformer le hasard des deux déménagements de Su Bei et Hu Jiaxing tombant la même semaine, en une sorte d’action collective. Trois jours encore avant le 24 au soir, date de la première performance chez l’artiste chinois Su Bei, en banlieue parisienne, il n’en était en effet question, je crois, pour personne ; sinon de façon silencieuse, tacite — et alors nous n’en savons rien.

« Trois jours avant » est la date possible d’un de ces déclenchements. Celui-ci a eu lieu dans l’appartement de l’artiste Hu Jiaxing, calligraphe et photographe, lorsque Tian Dexi et moi-même l’avions aidé, un soir, à préparer quelques cartons en vue de son prochain départ. L’événement déclencheur, s’il y en eu, aurait alors été initié par Tian Dexi. À un moment il a bien eu l’idée d’organiser quelque chose dans l’appartement, vide et en train d’être repeints, pour la veille au soir du déménagement effectif : un petit événement, réunissant un groupe d’amis, puisque l’occasion se présentait de pouvoir bénéficier d’un espace entièrement libre pour, peut-être, y créer quelque chose. Il aurait pu lui-même apporter un objet, de ceux qu’il trouve puis transforme en oeuvres, objet auquel il lui fallait déjà réfléchir un peu et que nous aurions découvert – si les choses s’étaient vraiment passées ainsi – le soir en question. Dans ce contexte le mot d’ « exposition » a bien été prononcé. On s’en est servi, je m’en souviens, pour qualifier ce qui commençait d’être projeté, sous la forme, donc, d’une présentation ouverte, dans un lieu investi à cet effet, d’un certain objet de nature explicitement « artistique » ; on objet quel qu’il soit, même une toute petite choses ; un objet prétexte, pouvait-on dire, rien de très déterminé en tout cas à ce tout premier stade – celui du moins que j’envisage comme tel – de l’élaboration du projet : ce n’était là qu’une proposition, une idée, vague, pour commencer d’y réfléchir.

Mais, pensait-on déjà : à quoi donc fallait-il qu’un ou plusieurs objets, qu’une exposition, ou qu’autre chose encore dans ce que le vocabulaire de l’activité artistique nous permet de désigner, serve finalement de prétexte ? Dans l’appartement de Hu Jiaxing, avant que les choses se décident à prendre la tournure finale dont je voudrais rendre compte, il se rendait progressivement assez clair que ce n’était pas selon une telle conception, « expositive », de l’oeuvre, que les chose devaient au mieux prendre forme. Si objet il y avait eu – car, en fait il n’y en a eu aucun, du moins pas sous la forme matérielle que nous pouvions attendre – ce dernier ne se destinait à rien moins qu’à se transformer une « oeuvre d’art » exposée. Ni une oeuvre d’art, ni même un prétexte, en réalité. On pensait à un objet plutôt comme une sorte de moyen, un pied à terre purement conventionnel, transitoire, pour se diriger à la fin vers autre chose. Une autre forme d’art, peut-être ; quelque chose, du moins, se laissant guider par d’autres souci que celui de transposer, voir de reproduire dans la sphère privée sous la forme de l’exposition, un mode d’accomplissement devenu bien banal du fait artistique ; quelque chose se concevant moins comme un événement « artistique » au sens restreint du terme, que comme un contexte d’action et d’échange, ou une situation, en un sens encore à définir.

Cette situation. Elle se repère et se définit ici à minima par un contexte, ordinaire, en tout cas non-homologué « artistique », dicté par une nécessité de la vie courante : on supposait qu’une certaine pensée artistique pourrait trouver à s’y glisser, et des moments de création y apparaître plutôt que des oeuvres d’art au sens habituel du terme. Il fallait situer à un tout autre niveau le lieu d’émergence de cette valeur artistique ; et peut-être, déjà, la situer au niveau des interactions, ou des échanges entre personnes humaines, là où, se disait-on, la forme d’une oeuvre  sans objet semble à tout moment  pouvoir prendre effet. Ainsi donc s’orientait déjà chez Hu Jiaxing, avant que l’impulsion ne se manifeste plus loin – selon ma perspective – l’idée de ce que nous appelons encore provisoirement ces deux « performances » du déménagement.

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