Arts, Arts verbaux, Poésie, Projet poésie été 2016

5/

Guillaume
Le 11 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Arsène, tu es en Chine mais j’ai un voyage de retard : voici donc une réponse à tes textes de Suisse.

g.

Réponse à Arsène en Suisse

Je t’imagine Arsène au Mac
Do des montagnes entre le mac
Chicken et les télévisions avec
Devant les yeux ton Bic
Un carnet et ton cornet de frites.

Comment dormais ?
Comment mangeais ?
Comment lavais ?

Hé bien moi, j’ai passé mon été
à oublier un boulot du passé
un boulot qui m’a été supprimé
et j’ai dormi beaucoup et contemplé autant
les ciels intenses les ciels nombreux
qui se déploient soirs et matins sur les Lilas
les ciels –
et j’ai écrit
des bas quatrains

et j’ai bossé
oui j’ai bossé
au parc Monceau, enfin, tout à côté,
où d’autres ciels m’étaient offerts.

Aujourd’hui je suis sec – la fatigue a pris entièrement le contrôle de mes muscles et c’est tout distendu mais pas encore tout à fait détendu que je finis, ici, ce poème paysage

alors qu’attablé devant moi au même bistrot de quartier,
Samuel,
aussi,
écrit.


Samuel
Le 9 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

Bonjour,

En parallèle des écrits avec Guillaume, j’ai composé un petit ensemble nommé Un voyage, ci-joint.

Bonne lecture,

Samuel

Un voyage

I. Lisieux – Paris
Lundi 8 août

Gare de Lisieux
onze heure trente-neuf
les passagers s’alignent
le long du quai
les fumeurs fument
avec nervosité
leurs cigarettes
la dernière les pauvres
avant l’arrivée à Saint-Lazare
mais la plupart des voyageurs
regardent ou tapent
sur l’écran de leur smartphone
quand ils ne se prennent pas en photos
et même
un homme en utilise un pour avoir
une conversation téléphonique
L’Annonce de l’entrée en gare
est faite par une douce voix féminine
qui résonne irréelle au pied
de la basilique
le train porte le doux nom de
train Numéro 3372
soyez prudents dit la charmante voix
de peur de vous faire broyer par la machine
au loin la sonnerie accompagnant
la fermeture des barrières
empêchant les automobiles
de rencontrer imprudemment
le train qui approche retentit
et pourtant la silhouette massive
pas très assurée d’une dame
traverse les voies
dans un grand imper blanc
crissement des freins du train
dans le wagon un enfant
répète Nan Nan Nan
sa mère essaie de le calmer
il sanglote alors que le train s’élance
puis se tait on entend le froissement
d’un papier d’emballage et
des bruits légers de mastication
Une adolescente de l’autre côté
du couloir lit sur sa tablette
un texte en russe et en
tournicotant une mèche
de ses cheveux longs et blonds
Gare de Bernay
annonce une voix microphonique
masculine nasillarde crachotante
Les passagers tanguent
qui se déplacent quand le train
est en marche déséquilibrés
par leur bagage sursautant
quand un train qui circule
dans le sens inverse
croise le nôtre et le frôle
avec un bruit de violence
Le contrôleur contrôle
les billets et constate
une infraction Carte périmée
le contrevenant paie l’amende
de mauvaise grâce il semble se plaindre
qu’on l’ait trompé
on lui a pas dit qu’on était en 2016
alors que sa carte n’était valable
que jusqu’en 2014
il va faire une réclamation
le contrôleur lui explique
patiemment comment faire
sur le site de la Sncf
Conversation téléphonique en russe
on passe dans un tunnel
bruit de fond d’explosions du jeu vidéo
auquel s’adonne maintenant
l’adolescente russe
gare d’Évreux-Normandie
pleurs de nouveau-né
car la mère voyage
avec ses deux enfants en bas-âge
on l’entend bailler
le nouveau-né crie dans les tunnels
La partie supérieure de la voiture
est aménagée pour déposer
les bagages c’est une tablette
en verre transparent qui permet
d’observer sur neuf ou dix rangs
la tête des passagers
leur chevelure pour les plus éloignés
inversées dans le reflet
Une torpeur se diffuse lentement
le train berce ses voyageurs
même s’il manque de douceur
et le paysage se répète
et la sensation de faim
qui augmente
un voyageur prépare son repas
poisson salade
au téléphone
Pisser dans le train est un jeu
amusant mais risqué
et nécessite un bon sens
de l’équilibre
on ne peut pas s’asseoir
la cuvette est trop sale
beaucoup ont échoué à viser
juste les soubresauts
les cahots du train ayant
dévié le jet d’urine
qui fait une petite flaque
sur le sol en plastique foncé
des toilettes Homme
il est formellement interdit
d’utiliser les toilettes
lorsque le train est à l’arrêt
La climatisation est en marche
bien que la canicule soit bien loin
il fait assez frais dans le wagon
en tee-shirt à manche courte
c’est même désagréable
les grands-mères ont gardé
leurs imperméables crème
le train qui a pris de la vitesse
oscille sur les voies se secoue
dans un paysage d’arbres défilant
sous un ciel bas presque brouillardeux
les plafonniers de la voiture diffusent
une pauvre lumière pâle inutile
peut-être pour insinuer des lampions
car monter à Paris est une fête
Les mères les premières
préparent le débarquement
et puis chaque passager
succombe à tour de rôle à l’impulsion
de se lever de saisir ses bagages
Paris Gare Saint-Lazare
Terminus de ce train

II. Vue de l’esprit
Mardi 9 août

J’aime l’ivresse de bon matin
Dans un bistrot parisien
De voir passer la capitale
Défaite
De sa robe de bal
Je vais la mine enfarinée
À la terrasse du café
Je prends le soleil revenu
Au nez des passants qui se ruent

III. En terrasse
Mardi 9 août

En terrasse il fait faim
place de Ménilmontant
désertée de pigeons
désertée de croissants
Les véhicules descendent la rue
en glissant
et la remontent en vrombissant
quand les piétons grimpent à pas lents
quand ils ne sont pas une grand-mère
courant après le bus en tirant son cabas
Un grand type dévale la chaussée
sur son skate board
et bouscule la circulation
écartant le danger des voitures imprudentes
d’un geste péremptoire au bout duquel
ses mains sont gantées de blanc
Le camion des éboueurs
Propreté de Paris
repasse à grand bruit
passe silencieuse
une foule de gens seuls ou par deux
on ne s’entend pas l’estomac gémir
Comme les arbres ont une trop grande circonférence
on a placé des poteaux
pour y poser les vélos
les cadenasser
et pour qu’ils n’aient pas l’air ridicule
on a coiffés les poteaux
de divers panneaux décoratifs
En terrasse il fait frais
place de Ménilmontant
mais de l’église la pointe du clocher
pointe par-dessus les immeubles
La serveuse accueille les clients
à travers la fenêtre
sur le rebord duquel elle se balance

IV. Attente erratique
Mercredi 10 août

Dans la ville qu’il ne connaît pas
le marcheur hésite
Il est tenté de suivre le flot de la foule
qui le mènera à tout coup
vers quelque havre
Il est tenté de suivre les grandes artères
les grandes directions
de peur de se perdre dans le dédale
des rues traversantes
qui l’attirent pourtant par leur tranquillité
Noter le nom des rues empruntées
et la direction prise aux croisements
est une solution mais qui hache la marche
surtout si les rues portent des noms
interminables ou compliqués
et si le marcheur tourne
dès qu’il en a l’occasion
Porter un sac d’un poids conséquent
deux ou trois jours de vêtements
un nécessaire de toilette
une quinzaine de livres
augmente l’expérience de la marche
S’arranger pour que le sac soit incommode à porter
avec une seule bandoulière qui cisaille
une épaule puis l’autre
(la silhouette du marcheur penche
une fois à droite
une fois à gauche)
c’est encore plus efficace
Le rythme du marcheur
dont la destination n’est pas fixée
ou qui doit marcher un temps précis
comme celui qui le sépare
de l’heure du départ
de son train
est plus lent et saccadé
son parcours plus tortueux
S’il est en quête d’un endroit pour se sustenter
et qu’il souhaite trouver une nourriture
appétissante de bonne qualité
à un prix adapté
s’il a des exigences quant au lieu
où il se reposera et se sustentera
cherchant confort et beauté
service aimable
s’il veut absolument manger
thaï ou végé
son errance risque d’être longue
Pensant avoir trouvé le terme
provisoire de son chemin
il reculera finalement
devant la salle vide du restaurant
au fond de laquelle le guettent
une bande de serveurs désœuvrés
aux airs désespérés
devant une vitrine minable
des prix exorbitants
la mine patibulaire de la serveuse
il reprendra sa marche
La force de la sensation de faim
peut diminuer l’exigence du marcheur
mais plus que tout se trouver soudain
devant la plaque
« Rue des Jeûneurs »
(Paris 2e arrondissement)
Pour peu que le marcheur soit
d’un caractère superstitieux
il craindra ce présage
et la panique ou le découragement
pourront s’abattre sur lui
Heureux si à une ou deux
centaines de mètres
il trouve un restaurant asiatique
rempli de clients
qui semblent manger
de bon appétit
où il pourra se rassasier
d’un Bo Bun
pour six euros

IV. Paris – Lisieux
Mercredi 10 août

Un long tunnel de sommeil
entrecoupé du bruit soudain du train
entré dans un tunnel
La mise au net de ses notes
lire un Journal intime
et se retrouver à Paris en 1942
tandis que mon corps se déplace
entre Paris et Lisieux
On recherche le propriétaire
d’un sac de sport noir
à fermeture éclair dorée
abandonné voiture 17

 

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Guillaume
Le 8 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Réponse au poème «Caen, Jardin des Plantes» envoyé par Samuel le 12 juillet.

La poésie
Mon cher Samuel
Ne se réduit
Au seul réel

La poésie
Est éclatée
Comme le fruit
Du staphylier

(De diérèse
Tu n’auras point
Pas plus de fraise
Au mois de juin)


Guillaume
Le 8 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Bon y a des fraises
Au mois de juin
Mais de diérèse
On n’en voit point


Samuel
Le 8 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

Ne goûte au fruit
Du staphylier
Que le poète
Réalisé

La rime est à
Abandonner
Comme une graine
Qui n’a germé

Pour le poète
Le fruit est plus
Fort que la fleur
Même embaumé


Guillaume
Le 8 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Les fruits sont mûrs
La fleur c’est mort
La poire est sûre
L’été nous dore


Samuel
Le 8 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

J’adore l’épure
Le pur décor
Une écriture
Jetée au sort


Guillaume
Le 8 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

J’adore encore
La couleur pure
De la ramure
De l’hellébore


Samuel
Le 8 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

Celle du cerf
Notre pâture
Dont il se sert
Et si peu dure


Guillaume
Le 8 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Papa Bambi
A sa fêlure :
Il est ravi
Par les voitures


Samuel
Le 8 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

Pour l’aventure
Poète dit
sur son fémur
une homélie


Guillaume
Le 9 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

A propos des échanges de quatrains d’hier :
J’espère, chers amis, que vous visualisez ce poète, concentré et ému, composant dans la forêt au bord de laquelle passent des voitures, devant la patte d’un cerf mort, tandis qu’une hellébore monstrueuse projette son ombre sur la scène.


Guillaume
Le 10 août
À Samuel, Florian, Peter, Arsène

Bonsoir.

Une contribution pour le projet !

Bonne lecture,

Samuel et Guillaume.

  

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Guillaume
Le 16 juillet
À Arsène, Samuel, Peter, Florian

Photo de mon dispositif d’écriture, ce soir samedi 16 juillet.
J’écris et je réécris mes quatrains. Et vous, comment écrivez-vous ?


Arsène
Le 21 juillet
À Guillaume, Samuel, Florian, Peter

Salut les amis,

J’espère que votre été se passe bien !

Alors, je suis revenu de la montagne cette semaine, où je n’ai pu que le premier jour vous envoyer quelque chose par mail. Le reste du temps la batterie était très limitée et la connexion aussi. Peu importe.

Pour répondre à Guillaume sur la façon dont, en ce qui me concerne, j’ai écrit en Suisse – grand merci à toi d’embrayer sur le contexte d’écriture ! Voilà en gros :

– après être arrivé en Suisse dans la ville de Monthey, j’ai écrit essentiellement au bord du skatepark de la ville. Ainsi qu’au MacDonald (mais pas de photo de l’endroit actuellement sur mon ordinateur).

– Ensuite je suis monté dans la montagne où il a plu presque tout le temps… Donc j’ai écrit dans les transports (bus), une chambre de gîte où j’ai été accueilli grâce à ma sœur qui y travaillait, puis en marchant les derniers jours dans la montagne lorsqu’il faisait beau de nouveau

– Et enfin, un peu aussi dans le chalet de la famille d’Aurore (ma chère dulcinée) que j’ai rejointe à la fin.

À l’issue de ça, je vous envoie une chose : la première reprise (vous reconnaîtrez) des notes du premier jour que je vous ai envoyé depuis le MacDonald quand j’étais sur place ; reprise que j’ai faite jusqu’à aujourd’hui à Paris.

Je mets le document en word (et pas en pdf) pour que vous puissiez intervenir comme vous le voulez directement sur le texte : pourquoi ne pas développer le dialogue à l’intérieur même de nos poèmes ? Ça serait une chose extraordinaire.
À voir.

N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, et à réagir.

À bientôt !

Arsène
Ps: je vous propose de repousser à fin novembre la clôture (indicative) de notre correspondance. Cela sera probablement plus simple pour nous tous, et en particulier pour Peter qui a un été très chargé et qui nous rejoindra plutôt dans nos échanges à partir de la rentrée en gros
Pss : répondons aux mails dans une même chaîne, comme ça on a sous les yeux tous les mails précédents !

Textes – été 2016

Samedi 9, premier jour

 

— Dans le train en venant, vers 11h, la veille

0.

et même si on croit d’abord
voir

ici la baie encollée d’un archipel extrême
-asiatique
criblé d’énigme…

 

— Dans le bus à Monthey, vers 14h

1.

sur la carte de l’application iPhone
une fois
passé le Léman

on voit l’étendue qui sépare la courbure du Rhône
au niveau exact
de la zone industrielle et la route nationale est en jaune
au-delà

<— (direction des Dents du Midi) la zone des abords de Monthey où j'ai posé mon campement dès l’arrivée

la route ouvrant à des buissons
des fourrés des gradins saturés où
obliquer dans un interstice le soir

qui s'échelonnent en montant
lorsqu’on les suit du regard
sur les pentes au départ de la ville vers les Dents

— Arrivant vers le skatepark, vers 14h30

2.

où aussi les valons
se laissent par touches reconstituer
dans un plissement de l’œil

découvrant l’herbe vide des champs enclos
qui apparaissaient
en venant dans mon souvenir par degrés
et les futaies

les bosquets bourgeonnant à vue
à mesure que s’animent  les amas de tôles frappés par le soleil
les fumées d’usines verticales
les plages multiples de béton chauffées progressivement conduites à se
raréfier

où enfin se laisser prendre
dans un parcours au lointain
de reflets
aveuglants
sis en bordure périphérique de la ville
où le skatepark est en place
toujours
-Au skatepark

3.

et à son bord  même
aucune crainte à laisser s’étaler démontés
planche vis et boulons sur un carré de plastique
où est aussi posée la clé
deux t-shirts et devant

des pavés droits
des barres
des courbes vieillies rendues au point presque
où serait démantelée
toute pièce à pièce l’image désirée
mais c’est là
une étape nécessaire

Le reste de l’après-midi

4.

— session skate —

– Dans la zone industrielle de la ville, vers 13h, le lendemain

5.

Au MacDo, laissant dehors
un bon cagnard par le wifi d’1h écoulée
des nouvelles
se reçoivent
des nouvelles

une facture edf
par mail un poème tout nouveau  de Samuel
et part en 4G une image pour Oscar (1)

— (1) Oscar c’est Oscar Roméo
qui publie sur son site des images jalonnant
notre parcours de ride commun

tout ça
avant d’avoir à détailler peut-être
qui sait sous les branches la trace de mon sac absent
volé dépecé, sans doute
sans doute ferons-nous plus prudemment demain

 


Arsène
Le 21 juillet
À Guillaume, Samuel, Florian, Peter

 

Cet enchaînement
entre l’évocation de la main
du poète
et une silhouette qui s’efface…

À l’issue de ton poème,
Samuel je me demande
ne serait-il pas
lui-même cette mêlée concise dont tu parles
avec tant de douceur


Guillaume
Le 25 juillet
À Arsène, Samuel, Florian, Peter

Reçu de Samuel, aujourd’hui, par SMS :

« Salut Guillaume,
Peux tu faire passer ceci à la communauté des poètes… pas de connexion Internet en ce moment, au fin fond de l’Ardèche !
Bise,
A bientôt à Paris !

J’écris
des mémos textes
dans mon smartphone

Au pied des gorges
depuis la rive
de la rivière
le corps couché
sur des galets
polis mais durs
sous un feuillage
sous mon chapeau
sous trente cinq
degrés dans le
bruit des cigales
dans la rumeur
des baigneurs les
conversations
des vacanciers
les accords de
guitare d’un
musicien é
garé par là

Me relevant
la nuit aux ca
binets au saut
du lit au pe
tit-déjeuner
prenant ma douche
dans la voiture
en conduisant
marchant à pied
par la pensée
par intermit
tences par grap
pes de secon
des dérobées
sans le savoir
sans y penser
J’écris »


Guillaume
Le 26 juillet
À Arsène, Samuel, Florian, Peter

J’ai relu vos productions Samuel et Arsène, et c’est tellement bien ! Tellement riche en images ! Ça me réjouit vraiment.
Le poème-paysage-carte-postale-de-vacances devrait être un genre en soi.

(D’ailleurs ça me rappelle que j’en avais écrit un pour Samuel – sans plus d’ambition que celle de faire un clin d’œil – au printemps dernier au retour de petites vacances chez des copains en Angleterre :

Des breakfasts sans bacon
– Donne un bout que je morde

Nous foulons des gazons
Well taillés à la corde

Nous rêvons de maisons
That we’ll never afford

Même au pub nous gardons
nos airs de pseudo lords

God mais qu’il était bon
Ce week-end à Oxford)

Je pars en vacances en Auvergne pour ma part vers le 13 août je crois. En attendant j’écris toujours les quatrains-haïkus du projet dans lequel je me suis lancé, j’espère pouvoir vous lire tout cela un jour.

À très vite,

g.


Samuel
Le 27 juillet
À Guillaume, Arsène, Florian, Peter

Bonjour tout le monde.
J’ai trouvé un point wifi !

Une remarque à propos du dernier mail de Guillaume : dans les cartes postales poétiques, je pense à ton « indien » de ce printemps (in english for Peter).

Arsène, J’ai lu avec plaisir ton poème en réponse à “la sauvette »… je mûris mon écho…

J’ai produit plusieurs poèmes que je vous distillerai dans les jours à venir.
Pour aujourd’hui, je vous propose des photos… C’est une série (en cours) que j’ai intitulée : « Images mentales »…


Samuel
Le 4 août
À Guillaume, Florian, Peter, Arsène

Bonjour,

Je vous envoie un poème en réponse au premier écrit d’Arsène. À bientôt, écrivez bien!

Skater. Sonnet démonté.

Pour le skater le paysage
qui entoure la mer figée
des rails des rampes ondulées
figure un parcours le présage

Il regarde du fleuve au loin
les méandres de la montagne
il scrute la ligne de crête

Yeux clos dans sa tête il combine
les enchaînements de figures
où il pourra recomposer
le paysage puis s’élance

Un temps suspendu dans les airs
il semble glisser sur la ligne
de crête des monts alentour

3 août 2016.

Samuel

 

 

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/2

Samuel

Le 10 juillet

À Guillaume, Peter, Florian, Arsène

Bonjour à tous,

En guise de présentation (?) , un poème que j’ai écrit juste après avoir pris connaissance du mail d’Arsène lançant le projet.

Bonne lecture,

Samuel

 


 

Guillaume
Le 10 juillet
À Samuel, Peter, Florian, Arsène

Qu’il est fort ce Samuel, de livrer aussitôt un poème !

Pour ma présentation, je voulais simplement parler de mon projet en cours :

Au dernier marché de la poésie de Paris, j’ai discuté avec l’éditeur Bruno Doucey, il m’a donné un petit carnet vierge qu’il vend d’habitude à côté de ses bouquins, et qui porte le titre: En pente douce. J’ai décidé de prendre ça pour une invitation, et de me lancer le défi de remplir le carnet, puis de lui renvoyer. Comme je suis totalement obsédé par les quatrains en ce moment, ce machin sera donc une série de quatrains. 30, pour être précis, en suivant le nombre de pages du carnet (en écrivant une page sur deux). Pour l’instant c’est très narratif, je laisse dérouler une sorte de monologue, en pente douce donc. Tous les quatrains sont en tétrasyllabe et proposent des rimes très basiques en ABAB. Je vous livre ici le premier poème du truc :

Mon verre est lisse
Ma bière y mousse
Ma lèvre y glisse
La pente est douce

J’en suis à peu près à la moitié, et suis un peu bloqué pour l’instant.

 


 

Arsène
Le 10 juillet
À Guillaume, Samuel, Florian, Peter

Salut Samuel et les autres !
Premières notes sur là où je suis, après avoir découvert ton poème…

Texte 1 – été 2016
Monthey, Suisse

sur la carte de l’application iPhone on voit l’étendue qui sépare la courbure du Rhône
au niveau exact de la zone industrielle et la route nationale en jaune au delà
ouvrant à des buissons des fourrés saturés où obliquer dans un interstice le soir
ils s’échelonnent en montant au départ de la ville

on les suit sur les pentes vers les Dents où l’herbe vide des champs enclos y apparaît dans mon souvenir par degrés
à mesure qu’en suivant du regard un parcours de reflets aveuglants on voit
les amas de tôles des fumées d’usines verticales et plages multiples de béton chauffés progressivement conduits à se
raréfier

le skatepark est en place toujours. Au bord
aucune crainte à étaler démontés planche vis et boulons sur un carré de plastique où est aussi posée la clé
deux t-shirts et devant
des pavés droits des barres des courbes vieillies sont rendus au point presque
où est démantelée toute pièce à pièce l’image voulue mais c’est
la nécessaire étape

au MacDo laissant dehors
un bon cagnard par le wifi d’1h écoulée se reçoit des nouvelles une facture un poème tout nouveau et part
en 4G une image pour Oscar avant d’avoir à détailler peut-être
qui sait sous les branches la trace de mon sac absent volé dépecé sans doute
ferons-nous plus prudemment demain

 


 

Guillaume
Le 11 juillet
À Arsène, Samuel, Florian, Peter

La Voix des Poètes
(Bilan)

Samuel assène
À la sauvette
Tandis qu’Arsène
Compose en skate

Bonne soirée !

 


 

Samuel
Le 12 juillet
À Guillaume, Arsène Florian, Peter

Bonsoir vous tous,
Livraison expresse:

Caen, Jardin des Plantes

Le fruit du staphylier est d’un vert pâle banal, virant au brun avec la maturité.

Sa forme, trilobée diront les botanistes, évoque un ballon gonflé, une outre, et même une vessie pour ceux qui connaissent bien cet organe, sûrement parce qu’ils ont souvent l’occasion d’en observer.

Cette forme (mais n’est-ce pas le cas de tout fruit ?) porte la main à s’en saisir, et l’on est saisi par la légèreté de cette capsule dont le poids n’est que celui de l’enveloppe.

La consistance de la capsule encore verte est plaisante, molle au premier abord elle offre une résistance, finalement, à une légère pression des doigts.

Alors on augmente la pression des doigts jusqu’à ce que la capsule éclate avec un bruit sec et doux.

Si on a la curiosité d’ouvrir le fruit éclaté, on trouve les graines.

On recommence en ramassant sur le sol un autre fruit, on peut aussi le cueillir dans l’arbre, et l’on fait éclater les trois lobes l’un après l’autre.

On devine à quel point cet arbre est depuis toujours apprécié des enfants auxquels il procure ce jeu si agréable.

Quelle inventivité que de mettre à profit le goût des hommes pour le jeu afin d’améliorer la dissémination de ses graines.

On peut penser que le bruit du fruit du staphylier éclatant sous les roues d’un skate-board est inaudible pour l’oreille humaine. Il est vrai que le bruit du roulement du skate-board, quoique très différent, est un des charmes de cette invention.

En sélectionnant les fruits du staphylier d’après leur taille et leur maturité, on arriverait peut-être à obtenir des sons suffisamment variés pour imaginer produire une composition musicale.
Le mot staphylier, avec une diérèse, est à lui seul un tétrasyllabe.

 

 

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Projet poésie été 2016 / 1

Les pages mails qui suivent, en texte et parfois en image, constituent l’intégralité des échanges que nous avons eus l’été dernier dans le cadre de notre « Projet poésie été 2016 ».
Ce travail définit la première étape d’une démarche d’écriture à plusieurs, dont l’aspiration excède le cadre de ce travail singulier : si, d’une part, toute forme de relance peut occasionner l’ouverture d’un nouveau chapitre d’écriture, d’autre part le rôle, le nombre et les modalités de participation des contributeurs ne dépend à son tour que des rencontres, des contingences, des affinités et des suscitations. Son état d’esprit est essentiellement d’ouverture et de transformation.
Le lecteur se verra par ailleurs libre de considérer comme simples fragments, notes d’observations, poèmes achevés ou jeu de conversation amicale, la somme des échanges que nous publions ici dans leur intégralité, sans retrait ni ajout.

C.

Dans la boucle : Arsène Caens, Peter Dayton, Samuel Deshayes, Florian Houssais / Oscar Roméo, Guillaume Marie


 

Arsène

Le 8 juillet

À Samuel, Peter, Florian, Guillaume

Objet : Projet poésie – été 2016

 

Salut à tous,

Voici le mail de lancement de notre projet d’écriture.

Vous en avez tous entendu parlé, soit par moi, soit par Guillaume : ce projet consiste à mettre en place pendant toute la durée de l’été, un espace de «polylogue» à distance entre nous cinq.

Sans nous connaître tous, nous avons en commun d’évoluer dans des activités de recherche et de création diverses. Ces dernières passent nécessairement à un moment donné par le biais de l’écriture : dans des formes qui nous sont propres individuellement, il est question ici de donner libre cours à cette diversité, à l’intérieur d’un espace d’écriture où nous pourrions évoluer conjointement et en relation.

Les participants sont donc :

Guillaume
Peter
Arsène
Samuel
Florian (Oscar Roméo)
Nous procéderions, si vous êtes d’accord, de la façon décrite dans le protocole envoyé en pièce jointe. Pour toute question pratique, n’hésitez pas à envoyer un mail, soit à moi, soit à Guillaume Marie, en mettant tout le monde en copie : aucun problème avec cela, ça nourrit même l’échange.
Soyez aussi à l’aise avec le fait de n’envoyer aucun signe, si vous le sentez comme ça*.

Commence qui veut.

Arsène

Ps :

Pour ma part, je vous indique comment s’organise mon planning de l’été :

– 10 jours de montagne et de skateboard en Suisse : de demain 9 juillet à lundi 11 (échange prévu avec Oscar Roméo autour se son site)
– 8 jours à Shanghai pour le lancement de l’exposition à laquelle j’ai travaillé cette année : du 25 juillet au 3 août
– le reste du temps entre Paris et la Normandie

Tout cela sera l’occasion de produire des écrits de toutes sortes (notes ethnographiques ou autres poèmes, etc.) et des captation sonores ou vidéos pour différentes utilisations, de recherche et/ou de création.

Notre projet est pour moi un terrain d’expression et d’échange autour de ces choses, une façon de nous mettre en relation et de découvrir ce que nous faisons et pensons dans nos univers de pensée et dans nos vies.

—-

 

 

Poursuivre ici : https://cadrans.org/2017/04/22/2/

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Poème du 7e

par Guillaume Marie

J’ai sentiment que les mots m’usent
J’aspire au moins à mesurer
Comment ça peut qu’un texte abuse
Quelle impression ça peut laisser

Au tic-tac de ton gros horloge
Je vois qu’est loin le moment sage
Ton squelette a de beaux usages
Mon texte a bien de grands espoirs

Ton sexe a bien de beaux passages
Au moins l’usage est qu’il se loge
Mon texte est loin d’avoir usage
Les mots ne font que décevoir

Les mots ne sont que des foutoirs
J’arrête un peu d’avancer là
J’aime assez ta façon de choir
Avoue que tu le fais exprès

Ta phrase a peu de cohérence
La mienne est prête à se tromper
On aurait bien pu se baiser
On aurait pu saisir la chance

Au plaisir de ta médisance
Je réponds rien sinon des phrases
T’as pas besoin de mes silences
J’ai pas besoin de ton saccage

Ton corps a pu salir la France
Ma main a mal noté les mots
On aurait presque envie d’aller
J’ai presque mal d’avoir été

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Peter Dayton, compositeur

Le présent entretien avec Peter Dayton, compositeur contemporain américain, a été réalisé par mail entre Paris et Baltimore. Il permet d’aborder l’univers d’un musicien cosmopolite, attentif autant à la peinture qu’à la littérature, notamment poétique, de son époque, avant la sortie en disque de son oeuvre « From sombre lands, after a painting by John Hitchens » (2013) chez Ablaz Records, par l’Orchestre philharmonique de Brno (rentrée 2015).

*

Propos recueillis par Arsène Caens

septembre 2015 

Peter, peux-tu te présenter ? Où vis-tu? Où travailles-tu? Comment s’organise ta vie de compositeur?

J’ai vingt-cinq ans, je viens de l’Ohio, mais en ce moment je vis à Baltimore. Je travaille à l’Institut de Peabody de l’Université de Johns Hopkins, où je suis en train de finir mon Master en Composition. La question « où je travaille » est plus difficile. Internet crée des liens qui nous relient de manière imprévue à pleins d’endroits. En ce moment, mes études sont ma principale activité, mais je fais aussi des enregistrements en République Tchèque, des festivals en Italie et en Espagne. J’ai écrit aussi des morceaux pour un instrument japonais qui seront joués au Japon par une interprète Japonaise. Des gens qui s’intéressent à la musique que j’écris viennent du Portugal, d’Israël, de Suède. Donc j’ai le sentiment que le monde entier est mon atelier!

Je ne sais pas si je comprends vraiment la question « comment je m’organise ». Mais comme tu t’intéresses à la méthode de création, je te dirais ceci : il me semble que j’écris beaucoup en automne, en hiver, et au printemps. En été je voyage (souvent en Europe), je lis, je me détends, je réfléchis – c’est une saison pendant laquelle j’écris en général un ou deux morceaux, petits. Quand je compose, ce que je recherche, c’est un état mental ou émotionnel que je puisse communiquer à travers ma musique. Ça prend du temps. Quand je pense que je l’ai trouvé, la composition des sons et de la musique dans son ensemble peut durer de trois semaines à presque deux mois. J’écris le premier brouillon d’une composition à la main (mon père m’a donné vingt livres de papier de musique comme cadeau de Noël il y a six ans). Puis je le mets sur le logiciel « Finale ». Quand je travaille sur quelque chose je fais toujours de nombreuses révisions. J’ai aussi composé quelques esquisses électroniques avec « Audacity ».

Comment es-tu devenu compositeur et depuis quand écris-tu de la musique?

Je ne sais pas si je peux trouver le moment où on peut dire que je suis devenu compositeur… Il m’est plus facile d’évoquer le moment où j’ai commencé à développer une passion pour la musique, et c’était quand j’ai entendu la musique d’ouverture du jeu vidéo Final Fantasy X, titré «à Zanarkand». C’est un thème simple et triste. J’étais très ému. Après l’avoir écouté j’ai trouvé un recueil des pistes de ce jeu arrangées pour le piano. Ça s’est passé quand j’avais quatorze ans. La même année (où l’une qui l’avait précédée) un ami m’a fait connaître «Finale», qui aide à faire de l’édition sonore de musique : en utilisant Finale on peut entendre ce qu’on a écrit à travers MIDI, qui reproduit les sons mêmes. À ce moment là a eu lieu l’intersection de ma passion pour la musique (causée par la musique de Final Fantasy X) et ma connaissance de Finale. Je voulais écouter, écrire la musique, et j’avais tous les outils qu’il faut pour ça. Sauf un : l’éducation. J’ai donc appris seul à lire la musique et à jouer du piano. La première composition dont je m’en souvienne je l’ai écrite je pense en 2003 ou 2004. Mais je ne montre que les pistes qui datent de 2009 ou plus récemment.

Comment résumerais-tu l’esprit de ton travail? Quelles sont tes pistes actuelles?

L’esprit de mon travail est, je dirais, « social ». Même quand j’écoute une symphonie, ou quand je regarde une peinture tout seul, l’expérience est pour moi fondamentalement sociale : parce que quelqu’un d’autre a créé la pièce d’art que je vois, il y a donc forcément un lien entre l’artiste et moi, peu importe que l’artiste soit vivant ou mort. Et mes propres œuvre sont comme de nombreuses lettres envoyées aux gens qui ont créé l’art que j’aime. Je pourrais dire que l’esprit de mon propre travail est de réaction, de réponse, de dialogue.

Donc, quelles sont mes pistes actuelles? Des pistes différentes expriment mes réponses à des choses différentes. Je pense par exemple que ça aurait été une perte si je n’avais pas découvert l’œuvre du peintre péruvien Fernando de Szyszlo (1925-), car son œuvre m’a permis d’ »acheminer » des émotions extrêmes. Mais j’ai aussi écrit une oeuvre comme «Grounds », pour orchestre à cordes, qui est plus classique et qui est ma réponse aux expériences que j’ai eues de la campagne Anglaise, dans une sorte d’hommage à la musique pastorale d’Elgar et à la musique anglaise du Moyen Age.

Pour cerner mes pistes actuelles, te ferais une liste de cinq pistes :
«Une messe Américaine» pour chœur mixte (déjà en cours, depuis 2013; le mot «messe» en Anglais fait un jeu de mots entre «la foule» et «la messe»)
« Sol Negro (Soleil Noir), d’après des peintures de Fernando de Szyszlo» pour deux guitares (écrit en 2014)
«Grounds» pour orchestre à cordes (2014, le titre est un jeu de mots Anglais entre les mots «terres» et «basse obstinée»)
«D’un paysage sombre, d’après une peinture de John Hitchens» pour piano ou orchestre (2013)
«Fantaisie» pour alto et piano (2009)

Quels sont les différents compositeurs auprès desquels tu as reçu un enseignement ? T’ont-ils beaucoup apporté?

Bien sûr! Les professeurs avec qui j’ai étudié m’ont apporté des choses inestimables. Ces apports étaient la plupart du temps de l’ordre de l’enseignement musical, mais souvent ils se portaient aussi sur le soutien moral et la confiance : parce que j’étais autodidacte, la communauté de l’école musique de Vanderbilt était un apport précieux. Comme je l’ai dit, l’art pour moi est une façon de dialoguer. Justement, à l’université j’ai trouvé pour la première fois de ma vie une communauté à laquelle je pouvais répondre et qui m’a aussi répondu. Les compositeurs les plus importants pour moi étaient alors mes enseignants et amis Stan Link, Michael Slayton, Michael Alec Rose, Carl Smith, Joshua McGuire, Staffan Storm, Michael Finnissy, Michael Hersch, et Amy Beth Kirsten.

Je voudrais insister particulièrement sur Michael Alec Rose, car c’est lui qui m’a fait connaitre la peinture de Fernando de Szyszlo et aussi d’Ivon Hitchens. Cet apport est plus important que je ne peux exprimer.

En écoutant tes œuvres, on te sent particulièrement proche des compositeurs de l’école de Vienne en particulier, mais aussi de l’école française, Ravel, parfois Poulenc… : est-ce juste ? La musique moderne du XX° siècle européen est-elle ta principale source d’inspiration? Des compositeurs américains aussi certainement ?

Tes observations me plaisent beaucoup. Alban Berg est un compositeur que j’aime particulièrement, provenant de cet école de Vienne dont tu parles. Est-il possible que tu fasses aussi un lien entre mon morceau pour orchestre à cordes et le «Verklärte Nacht» de Schönberg? Ou peut-être je me flatte… Mais si je peux le dire sans être présomptueux, je pense que mon état d’esprit musical est fondamentalement Français. La première musique classique que j’ai écoutée était celle de Maurice Ravel, Claude Debussy, et Erik Satie. Puis j’ai découvert Gabriel Fauré, Darius Milhaud, Arthur Honegger (Suisse, je sais, mais à l’âme Française), Francis Poulenc, Olivier Messiaen, Isaac Albéniz, Igor Stravinsky et Tōru Takemitsu (les trois derniers ne sont pas français, mais évidemment influencés par l’esthétique musicale Française). Et il y avait aussi les différentes générations de compositeurs élèves de Nadia Boulanger: Aaron Copland, Leonard Bernstein, Alberto Ginastera, Elliott Carter, Phillip Glass, Walter Piston, et Virgil Thomson, par exemple.

J’aime beaucoup la musique de Charles Ives, le grand maître Américain, mais mon âme est trop cosmopolite pour que je me retrouve à écrire une musique qui aie un son totalement Américain, comme lui. Dans les autres compositeurs que j’admire de mon propre pays il y a Henry Cowell, Morton Feldman, John Cage, Ned Rorem, les premières œuvres de John Corigliano, George Antheil, George Gershwin, Bernstein, Carter, Copland, Thomson, et mes profs d’université Michael Alec Rose, Michael Hersch, Michael Slayton, Stan Link, et Carl Smith.

Et il y a aussi la musique d’Europe de l’Est, Witold Lutosławski, Arvo Pärt, Sergei Rachmaninov, Sergei Prokofiev, Alexandre Scriabine, Dimitri Chostakovitch, Alfred Schnittke, Karol Szymanowski.

Y-a-t-il un univers musical particulier dans lequel tu souhaiterais nous introduire?

Je pense que tu ne connais pas le Rock Alternatif de Baltimore. On y trouve des groupes très intéressants qui utilisent des éléments post-minimalistes, du math-rock, de la trance. Les groupes que je connais sont Animal Collective, Beach House, et Horse Lords.

Animal Collective est le groupe que je connais le mieux. Je peux conseiller d’écouter n’importe quel album : «Spirit They’re Gone, Spirit They’ve Vanished», «Campfire Songs», «Here Comes the Indian», «Sung Tongs», «Feels», «Prospect Hummer», «People», et «Strawberry Jam». Je ne trouve pas que les albums les plus récents, comme «Merriweather Post Pavilion» et «Centipede Hz», soient aussi bon que les autres… On peut peut-être faire un lien entre la manière de chanter de Animal Collective et Beach House, mais je trouve que la musique du dernier est moins énergique ; Beach House s’intéresse plus à créer un état de rêverie. Horse Lords n’utilise pas le chant. Ils s’intéressent surtout au rythme, souvent complexe, et à des ambiances et caractères changeants. C’est une musique très différente des autres genres que j’écoute, mais ça me plaît.

Ya-t-il des musiques provenant de traditions extra-occidentales auxquelles tu t’intéresses particulièrement? Si tu devais choisir trois œuvres ou trois enregistrements dans l’ensemble de la musique mondiale, que citerais-tu?

La musique traditionnelle Japonaise. Toute la culture Japonaise m’intéresse, et j’ai eu l’opportunité d’aller au Japon en 2013. Je voudrais partager la chanson «Etenraku» («Musique du ciel») qui est une chanson de Gagaku, la musique de la cour royale du Japon. On l’interprète avec deux flûtes, un Shō (un harmonica Japonais) et de la batterie. La première fois que je l’ai entendue j’étais en Japon sur l’île de Miyajima («l’ Île des temples»). La beauté de la musique et la nature viscérale des dissonances m’ont littéralement fait pleurer. Depuis 2013 j’ai écrit deux morceaux pour Koto, un autre instrument traditionnel.

J’ai un peu d’expérience de la musique jamaïcaine aussi. À l’université j’ai joué dans un ensemble de casseroles en acier, et en tant que pianiste c’était très intéressant d’apprendre à jouer la batterie. Mon professeur Mat Britain a fait quelques enregistrements très intéressants dans ce domaine.

Sinon, je sais que c’est n’est pas exactement la musique extra-occidentale (parce qu’il utilise des formes et ensembles de la musique classique) mais je voudrais évoquer le compositeur Ahmed Adnan Saygun (1907-1991). Il est Turc. Comme Béla Bartók, sa musique est très influencée par les traditions populaires. Ses quatre quatuors à cordes (le quatrième est malheureusement inachevé) et ses concertos pour alto, violoncelle ou piano, et orchestre sont magnifiques, ainsi que ses études sur les rythmes d’Aksak .

Je sais que tu travailles beaucoup à partir des arts plastiques. Peux-tu nous dire comment tu en es venu à t’intéresser à la peinture dans le cadre de ta pratique musicale?

Je ne pense pas qu’il y ait un lien direct entre mes intérêts pour les arts plastiques et la musique. Mais je suis quelqu’un de très visuel, je suis ému par les images, les couleurs, et les relations des formes m’intéressent beaucoup. Donc le lien est le suivant : je réagis fortement aux images ; or la musique est le chemin pour l’expression de mes émotions profondes… Dans un sens, je pense que j’aime les arts plastiques depuis plus longtemps que la musique. Mais je pense être plus doué pour la musique.

J’en suis venu à écrire à partir de la peinture presque par hasard. J’ai toujours été inspiré par les arts plastiques, j’ai écrit quelques poèmes au lycée qui étaient inspirés par des peintures, et aussi plus tard à l’université, par exemple un poème autour de Magritte, intitulé « Variations on Magritte’s « The Keys to the Fields » ». J’ai composé ma première pièce inspirée par la peinture en 2011. Ce morceau est une suite de quatre études pour clarinette seule, inspiré par les sérigraphes géométriques des « cardinaux » par l’artiste Charley Harper. Je cherchais l’inspiration, lorsque je suis tombé sur ces images un peu comiques qui m’ont donné un point de départ émotionnel et gestuel pour composer. Les «Etudes aux Oiseaux Rouges» sont assez simple, comme le style des sérigraphes, mais elles sont toujours bien reçues. Elles ont été jouées aux Etats Unis et en Italie au festival «HighSCORE».

Cette technique où j’associe la musique à une image n’est pas nouvelle, mais c’était pour moi à ce moment là une grande découverte personnelle. Depuis cette période, le fait de marier la musique et les images est assez présent dans mon travail. Cette pratique va bien avec l’esprit de ma musique dont j’ai parlé plus tôt, une réponse aux œuvres d’art et aux artistes, et mon envie de partager l’art et ma réponse à travers la composition.

Le peintre Fernando Szyszlo t’inspire, et tu as écrit différentes œuvres à partir de ses peintures. L’as-tu déjà rencontré?  Peux-tu nous le présenter?

Je ne l’avais pas encore rencontré quand j’ai commencé mon travail sur ses peintures. Un de mes profs de composition, Michael Alec Rose, m’a fait connaître son œuvre, mais celle-ci ne m’a pas immédiatement inspiré de réponse. Une demie-année plus tard j’ai composé presque consécutivement les deux premiers morceaux inspirés par ses peintures, «Recinto» («Enclos/Enceinte») pour contrebasse seule et « Mar de Lurín » («Mer de Lurín»), et pour hautbois et guitare.

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Oeuvre tirée du triptyque « Mar de lurin », acrylique sur toile, 1989

Je voulais entrer en contact avec lui pour pouvoir lui demander l’autorisation de montrer des images de ses peintures avec ma musique sur Youtube. J’ai essayé à travers la salle de vente Christie’s qui vend quelques peintures de lui. Je me suis expliqué, ils étaient heureux de m’aider et ils m’ont donné son adresse. Mais il y avait une erreur quand j’ai envoyé mon mail, donc je pense qu’il ne l’a jamais reçu.

Une année et demie plus tard j’ai reçu de nul part un mail envoyé par le fils de Fernando de Szyszlo. Il avait trouvé par hasard la vidéo de l’avant-première de Mar de Lurín en recherchant le nom de son père sur Google. Ainsi, malgré l’erreur que j’ai faite, nous avons pu faire connaissance. Il a beaucoup apprécié les pistes que j’ai faites d’après ses peintures, et j’espère ça ne le dérange pas si je cite ce qu’il m’a écrit dans un mail à propos de mes pistes: «Merci à toi de comprendre ce que je trouve dans la peinture.» J’en suis infiniment honoré.

Quels sont, de ton point de vue, les caractéristiques de sa peinture? Comment envisages-tu la relation entre elle et la matière sonore en général ? Et avec ton propre langage musical ?

A mon avis ses peintures sont très musicales, très dramatiques. Elles sont abstraites et figuratives à la fois. Elles sont très texturées, mais la texture est au service de la scène générale qu’il peint. Il y a un beau contraste entre différents styles de peinture à l’intérieure même de son œuvre. On y trouve un style presque cubiste, comme Picasso ou Fernand Léger, dans sa conception de l’espace, mais pour les grandes figures de ses toiles il utilise souvent un style soit un peu estompé, soit presque futuriste, avec des lignes dynamiques/énergiques. Dans ses paysages, on voit aussi des formes géométrique répétées rythmiquement, comme les peintres viennois Klimt ou Hundertwasser. Ses couleurs sont riches et profondes et me suggèrent immédiatement tout un univers harmonique.

J’aime beaucoup les grandes figures qu’il utilise dans son œuvre, que j’appelle les « totems », ou les « témoins ». Ils sont une forme d’idée fixe, et on peut créer à partir d’eux une histoire imaginaire qui couvre toute son œuvre, comme s’il s’agissait d’une unique pièce d’art révélée peu a peu au cours de toute sa vie. Ses peintures me donnent accès à des émotions et sentiments sombres. Elles me mettent dans un monde… je pourrais dire « baudelairien », au sens où Baudelaire écrit parfois, comme dans «Luxes, calmes, et voluptés» (et comme dans les peintures dans la série «Mar de Lurín») des scènes de cauchemar, des émotions de désespoir:

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuies
Et que l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits

Il ne faut pas que la musique soit toujours gaie. Les œuvres de Fernando de Szyszlo me donnent une raison et une situation pour écrire une musique intense qui exige d’explorer plutôt les techniques de la musique contemporaine.
Les quatre œuvres que j’ai écrites à partir de ses oeuvres sont les suivantes:
«Recinto» pour contrebasse seule (2011)
«Mar de Lurín» pour hautbois et guitare (2011), ce morceau a gagné le concours de composition d’université en 2012.
«Los Visitantes de la Noche» Suite pour violoncelle seul (2012)
«Sol Negro» pour deux guitares (2014)

Il y a aussi ton œuvre « From Sombre Lands », inspirée par une peinture de John Hitchens, qui sort bientôt en disque. Quelle est toute l’histoire de ce travail?

J’ai fait la connaissance de John Hitchens à travers les peintures de son père. Son père s’appelait Ivon Hitchens, il était un peintre Anglais bien connu, qui a peint beaucoup de paysages dans un style semi-abstrait. J’ai écrit un œuvre inspirée par quatre de ses peintures pour un programme d’échange avec l’Académie Royale de la Musique à Londres en 2012. Quand j’ai cherché l’agent d’Ivon Hitchens pour la même raison que je cherchais Fernando de Szyszlo, j’ai rencontré John Hitchens, son fils. J’ai appris qu’il était aussi peintre. Il peint aussi des paysages mais cette fois presque complètements abstraits.

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J’étais inspiré par sa peinture «D’un Paysage Sombre». Du coup j’ai écrit ma réponse, une pièce pour piano seul. John Hitchens l’a reçue chaleureusement, mais il n’a pas trouvé de véritable lien entre sa peinture et cette pièce. A la fin de l’année, j’ai créé une orchestration de la même pièce, après des semaines pendant lesquelles j’ai aussi étudié les œuvres de Maurice Ravel, comme «Ma Mère l’Oye», «Rapsodie Espagnole», «Alborada del Gracioso», «Valses Nobles et Sentimentales», etc, c’est à dire les morceaux et les suites qu’il a faites en deux versions, une pour piano et une pour orchestre. La version pour orchestra de «D’un Paysage Sombre» a gagné un concours d’Ablaze Records, qui a permis qu’elle soit  enregistrée récemment, jouée par la Philharmonie de Brno dirigé par Mikel Toms. Cet enregistrement sera disponible sur iTunes, Spotify, et Amazon ainsi qu’en CD à partir du début 2015.

John Hitchens était enchanté par la version pour orchestre. Il était même tellement inspiré qu’il a commencé à créer une peinture inspirée par cette pièce de musique. C’est une drôle situation! Une sorte d’ « inspiration réflexive ». Il travaille actuellement à compléter une peinture qui est inspirée par mon morceau, lui-même inspiré par une autre de ses peintures… Quand il l’aura finie, il faudra que j’écrive une œuvre nouvelle inspirée par cette peinture. Et le cycle continuera. Cet été, quand j’étais en Europe, j’ai eu le privilège de lui rendre visite en Angleterre. J’ai vu en vrai cette peinture qui est presque finie. Elle est magnifique. Très grande (j’estime ses dimensions à environs 5/2m). Je l’a considère comme un très beau commentaire sur l’effet expressif de l’orchestration, et il m’intéresse beaucoup que Hitchens ait utilisé des couleurs froides, comme des oasis entre les tons terreux qui dominent généralement dans sa pratique récente. Peut-être puis-je avancer que ma pièce a un peu adoucie son idée de ce paysage? C’est comme un échange d’émotions et de tempéraments, n’est-ce pas?

Il y a encore un lien entre la piste pour orchestre à cordes, «Grounds», que j’ai enregistrée cet été, et la famille de Hitchens. À l’été de 2014 je lui avais rendu visite avec ma mère, le même été durant lequel j’ai fait l’enregistrement de «D’un Paysage Sombre». On a passé trois jours idyllique au petit village de Petworth en pleine campagne. Les souvenirs de cette visite et les belles vues des paysages Anglais ont fondé la base émotionnelle de «Grounds», qui est dédiée à John Hitchens et à sa femme Rosy.

Es-tu peintre toi-même?

Pas vraiment. Je dessine quelques fois. Au pinceau, de la calligraphie Chinoise sur carte, ou à l’huile sur carte. Mais ce n’est qu’un dada. Je n’ai pas peint il y a longtemps. Je mets un exemple de chaque :

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Ink Sketch

Tu écris aussi de la poésie. Cela joue-t-il un rôle important dans ton travail de compositeur?

Pas forcément. Avant de décider de poursuivre ma vocation de compositeur, j’avais envie d’être poète. Quand j’ai commencé à écrire de la poésie je faisais souvent des « interprétations » de la musique que j’écoutais. Par exemple, j’ai écrit quelques poèmes très mauvais (en Français, rien que ça!) inspiré par des pièces pour piano de Debussy.

Mais, pour moi, ce que j’exprime dans les poèmes que j’écris de temps en temps exige des mots un « contrepoint » entre la musique des sons, et le sens de la langue. A cause de ça il me semble que c’est une chose autonome, presque complètement déconnectée de mon travail musical. Et la poésie que je mets en musique est, de la même façon, déconnectée de ma propre poésie. Mon oeuvre «Une Messe Américaine», ou des chansons plus petites que j’ai écrites sont plus similaires aux morceaux inspirés par des peintures que je compose. La composition est fondée sur la réaction que j’ai quand je découvre le poème ou la peinture, et les oeuvres qui en résultent sont des réponses aux œuvres et aux artistes que j’admire, ou des entretiens entre eux et moi : quand j’écris un poème, ce n’est pas très différent. C’est un entretien avec quelqu’un d’autre. C’est pour transmettre mon point de vue réfracté à travers le prisme d’une forme d’art.

T. S. Eliot a écrit: «L’humanité ne peut que supporter très peu de réalité.» Pour moi l’art joue un rôle intermédiaire entre deux psychés humaines qui ne peuvent peut-être pas vraiment se comprendre. Les réalités personnelles sont rendues supportables, et même compréhensibles aux autres, par l’art. Peut-être que j’ai l’air d’être naïf, avec mes sentiments nobles… Parce qu’il y a en effet beaucoup d’oeuvres que la majorité des gens ne comprennent et n’apprécient pas. Mais à mon avis, même si l’aspiration à créer quelque chose que tout le monde peut comprendre est une mission perdue d’avance, même si on ne réussi à gagner aucun admirateur, quand on a créé, on ne le fait jamais seul, on veut nécessairement communiquer avec quelqu’un ou avec quelque idée.

En tant que compositeur, quel est ton rapport avec les « musiques de masse » actuelles? Et en tant que « monsieur tout le monde »? Ces deux personnes sont-elles confondues chez toi?

Je pense qu’il n’y a pas deux personnes confondues en une. J’avoue que je n’écoute pas de « musiques de masse » actuelles. Je ne suis pas snob, mais chez moi cette musique exprime des choses qui ne m’intéressent pas. C’est vrai que, il me semble, beaucoup de gens ne s’intéressent pas à la musique classique, et aussi que les autres genres ou artistes que j’écoute, comme ceux que j’ai cités, atteignent à chaque fois un public restreint… Mais peut-être que je me trompe. Parmi les artistes non-classiques que j’aime il y a Joanna Newsom, Kate Bush, Bill Evans, Blossom Dearie, Red Garland, Billy Holiday, Carla Bley, The B-52s, Animal Collective, Janelle Monáe, Edith Piaf, et d’autres… En ce qui me concerne, je trouve le même « divertissement » dans la musique classique que peut-être d’autres trouvent dans les musiques de masse actuelles, mais pour moi il n’y a pas vraiment de confusion entre les deux.

Je crois que tu composes surtout de la musique instrumentale. Tu t’intéresses aussi à la musique électronique?

J’ai fait quelques esquisses à l’électronique, par exemple «Anecdotes du souffle», qui utilise des enregistrements de bruits de mon congélateur, de moi en chantant, en soufflant et en sifflotant, et d’une harpe. C’est vrai que je n’en ai pas fait beaucoup. J’ai composé une piste cette année qui raconte une histoire en forme d’«erasure poem» (que j’ai créé à parti d’un texte de Woody Allen). Il y avait de bonnes idées, mais je pense que ne les ai pas bien exécutées. Le domaine de la musique électronique est un que ceux je veux explorer plus. Mai il faut le temps d’apprendre les programmes que l’on utilise, alors que pour composer de la musique instrumentale il ne faut qu’un crayon et du papier.
Envisages-tu de composer pour l’écran (cinéma, expérimental ou non…)?

J’envisage d’essayer et de faire beaucoup de choses différentes. Aux Etats Unis il y a des programmes très spécialisés où on peut étudier la composition de  musique de film, de comédie musicale, de musique électronique ou électro-acoustique, etc. Je m’intéresse à toutes les choses que j’ai énumérées, et je pense qu’il faut étudier la musique dans un programme qui inclut toutes les techniques de la composition pour vraiment choisir ce qu’on veut faire.

Je suis amateur de films et j’aimerais beaucoup travailler avec un réalisateur de cinéma. Parmi mes préférés il y’a David Lynch, Woody Allen, Wes Anderson, Alejandro Iñarrítu, Alejandro Jodorowsky, Hayao Miyazaki, et Satoshi Kon. Je ne sais pas vraiment ce qu’on considère comme « expérimental ». J’aime les films surréalistes par exemple. Mais pour moi le fait qu’il y ait un sens narratif est important. Les vieux films expérimentaux comme «Meshes of the Afternoon» de Maya Deren ou «La Jetée» par Chris Marker me plaisent beaucoup.

Y-a-t-il des contextes de création peu explorés, autres que la salle de concert par exemple, qui t’intéressent en tant que compositeur? 

Il me semble que cette question ressemble à la question précédente. Toutes les deux me demandent «et ensuite?» et peut-être, «c’est tout?» Comme j’ai dit, j’aime le cinéma et voudrais bien collaborer. Je veux me diversifier les artistes que je connais. Cette année par exemple, j’ai l’intention de suivre un cours où on étudie l’opéra en automne, et où au printemps on en écrit un, court en un acte, et monté par le département opéra. Je voudrais bien profiter de la possibilité d’utiliser les ressources de l’université pour explorer des genres plus compliqués au niveau logistique. Comme sujet je ne suis pas encore sûr. Je sais que le professeur du cours nous donne un thème pour les opéras, mais de toute façon (peut-être après ou hors de ce cours) j’ai l’intention d’écrire une pièce dramatique sur la vie et les peintures du Douanier Rousseau. Ses oeuvres me plaisent beaucoup et je pense qu’il y a un beau contraste entre son petit coin de salle de Paris et les grandes jungles, forêts, et déserts de son imagination. «Les Rêves du Douanier Rousseau», peut-être?

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notes du cadrans I. Gronet 3

la décrue, le clivage
du présent

l’écriture le jour      même

la situation
inconnue

Capture d’écran 2015-06-28 à 14.55.24  —

les formes

avancées conversant
du lieu                   « Gronet »

parfum
d’attaque zombie les

comble

 

Capture d’écran 2015-06-28 à 14.50.55     —

flots calcaires mariés

berne et

pulpe des suites
de soleil inclu

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notes du cadrans I. louves

 

un ou deux
que déposaient, ainsi,
façonnant tout autour
— au franges
d’un lieu circulaire, comme tissé
de mouvements doubles —
les ombres
d’un voile de désunion,
une pensée

 

 

et de ceux
que des nuées de voix, même
éteintes, dans la nuit,
s’invaginaient, la voir
migrer

— mais peut-être
était-elle autre,
cette fois, que je ne croyais —
la lueur tranchée,
d’un espace reclus

inondéde paroles grises

 

 

tous naissant
de se décomposer, épars

après
ce que la lune, chavirant
obliquement —

par-dessus la forêt
grise et le ciel,

en dessous, mauve

 

 

 
au bord, surgir
tendre le fond, sans un geste

retourner les pierres

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