Arts, Arts verbaux, Récits

Retrait, lettre et peau

par Yves Bergeret

Dans notre bourg des Préalpes où il est né il y a à peine plus de cinquante ans, il arpente en boitant matin et soir la rue principale ; on le salue, on lui parle un peu, il répond par un lent émerveillement apparent, la bouche très humide, juste quelques mots, souvent répétant ceux qu’il vient d’entendre. Il rend des petits services, balaie la salle d’un bar, le trottoir devant un autre bar, fume ses grosses cigarettes, remonte la visière de sa caquette sur son crâne, rit d’un bon rire lent, ses yeux bleus ancrés dans un paysage de sombre remuement intérieur où il trouve une sorte de réconfort, parmi le glissement abrasif de notre monde.

Avec sa pension de handicapé et quelques sous gagnés ci et là il s’achète des stylos-billes et des crayons de couleur. Il adore dessiner sur des feuilles le plus souvent au format A4. Il en est fier. Il ne sait lire et écrire que les lettres du prénom sous lequel tout le monde le connaît.

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Archives, Arts, Arts plastiques, Entretiens

HU Jiaxing – interview

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Photographie tirée de la série Montagne de l’âme (2009)

Cet interview est le résultat de deux discussions ayant eu lieu en 2011 entre Versailles et Paris, conduites par Arsène CAENS et Maximilien THEINHARDT avec la participation de Thomas MARTIN. Elle est extraite de la monographie HU Jiaxing, La nature en impression, parue en 2012 chez Tractions Éditions

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Arts musicaux, Entretiens

Le support visuel dans l’improvisation musicale : deux perspectives contemporaines

par Arsène Caens

/CROISEMENTS

— YVES BERGERET : LE POÈME-PEINTURE, UNE PARTITION POUR L’IMPROVISATEUR 

Un des aspects les plus inspirants de la pratique du poète montagnard Yves Bergeret, de notre point de vue, consiste en ses diverses possibilités de prolongements musicaux. Cet aspect participe pleinement de la poétique du dialogue humain par l’espace qui anime l’ensemble de son oeuvre. Â de multiples occasions, on se rend même compte que la pratique générale du poème-peinture, dans ses divers usages, est pensée en amont pour pouvoir s’accorder aux exigences d’une interprétation musicale construite, dans laquelle des musiciens habitués au travail d’improvisation peuvent se retrouver spontanément.

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Poème-peinture n°1 tiré du cycle Les Voix du sol (2013) © AC

Après avoir décrit de manière globale l’objet du poème-peinture (voir ici), nous pouvons insister sur sa fonction de partition en mots et couleurs, dont certains éléments retrouvent peut-être de manière essentielle le propre de toute écriture musicale.

Une première façon de décrire la chose pourrait consister à distinguer dans la composition du poème-peinture les niveaux d’organisation se rapprochant – parce que souvent ils s’en inspirent – des registres d’une partition musicale traditionnelle. Tout discours musical consiste en l’organisation cohérente d’un divers sonore dont les composantes, le plus souvent, correspondent à des unités instrumentales (groupes ou instruments seuls) à combiner dans la durée. Si la partition est donc ce texte organisant la « partition » spatiale des masses et des lignes mélodiques, dans lequel chaque instrumentiste peut lire et suivre son rôle, on réalise que de la même façon le poème-peinture fait apparaître divers registres formels pouvant chacun être investi d’une signification musicale en développement.

Le texte calligraphié, d’abord, s’organise à la surface du papier selon des regroupements plus ou moins serrés, correspondants globalement aux strophes du poème. Cette graphie évidemment ne peut coder dans l’immédiat les hauteurs, donc la mélodie, qu’on pourrait improviser sur un instrument, monodique par exemple ; en revanche elle pose de manière visuelle des densités, des rythmes, une certaine vitesse de formulation dans le tracé, net ou esquissé, données se rapprochant fortement des éléments d’une partition classique dans leurs aspects visuels. Sorte de groupements de notes, non code, mais déjà jeu, sous l’expression et la « diction » du poignet qui les trace et les exprime, les lettres posées à l’encre renvoient à diverses interprétations musicales possibles, et donnent au premier coup d’œil la forme générale d’un développement où alternent et se combinent zones denses et silences. Des variations de taille et d’épaisseur entre les mots du poème peuvent aussi traduire une dimension d’intensité aux implications sonores évidentes : un mot s’imposant visuellement  plus que les autres pourra susciter une poussée sonore plus forte, tandis que certains autres presque imperceptibles, tracés amplement en lavis très léger à l’arrière même de la couleur, ouvrent un registre de lecture plus secret.

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Archives, Arts, Arts verbaux, Récits

Caliman (-texte en cours de remaniement-)

par Bertrand Agrech

Scan0008               Cette histoire traite d’une rencontre. C’est celle d’un petit con de 20 ans et d’un pauvre homme à qui il ne reste plus que la rue comme foyer.

A l’époque, je travaillais dans un restaurant. Il était situé aux alentours de Saint-Michel. C’était un restaurant complètement touristique. C’était l’été et les clients représentaient une masse incroyable. Je crois que l’on devait être début juin, je ne sais plus exactement. Les patrons à cette époque ne pensaient qu’à faire du chiffre ; c’est à dire, faire consommer le plus de clients pour avoir le plus gros chiffre d’affaire possible. Je bossais à temps plein et quelques fois, je dois dire que j’avais le plaisir de faire la « fermeture ». A cette période, je vivais à droite à gauche chez des amis. Par conséquent je n’étais attendu nulle part. Je parle bien de plaisir car premièrement c’était mon premier vrai job et puis faire la fermeture à des horaires inconnues m’excitait pas mal. En effet, quel type de client pouvions nous croiser à ces heures tardives ? Et puis franchement, à ce moment là de la nuit, il y a une ambiance vraiment spéciale. Les gens déambulent dans les rues comme des visiteurs. Ils sont à la recherche de plaisir et cherchent à les satisfaire dans ces quartiers.

Quand j’avais dans les 13/14 ans mes parents m’obligeaient à me coucher à telle ou telle heure. Mais dorénavant il n’y avait plus aucune limite. Je pouvais finir mon travail vers 2 heures du matin tout en sachant que c’était baisé pour choper un métro. Après 2 heures donc, personne ne pouvait savoir ce que je ferai. J’étais responsable par mon travail mais surtout j’étais libre de faire ce que bon me semblait.

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Arts verbaux, Poésie

L’Os Léger en Sicile : éthique de la langue-espace dans l’œuvre de Yves Bergeret

par Arsène Caens

/TERRAIN

—YVES BERGERET

Présentation

Yves Bergeret est un poète français né en 1948. Il publie depuis 1978 sous forme de recueils – L’Avance (1984), Poèmes de Prague (1998) etc. – de livres d’artistes  en collaboration avec des plasticiens – Poèmes du grand atelier (2012), avec des gravures de Maya Mémin etc. – où des ouvrages d’anthropologie poétique de l’image – L’image ou le monde. Trois voyages vers les églises peintes de Chypre (2008), Couleur (2012) etc.

Il faut ajouter à cette liste d’ouvrages une somme importante – en réalité centrale et majoritaire dans l’oeuvre de Yves Bergeret – d’actions en extérieur (Martinique, Mali, Sicile, Alpes…) avec des « créateurs populaires », donnant lieu à autant d’installations in situ, généralement suivies d’expositions en musée ou en galerie. Ces réalisations aboutissent le plus souvent à des publications – Cadastre et mailles (2005), La maison des peintres de Koyo (2006) – utiles aussi bien à l’anthropologue, l’historien ou le critique d’art, qu’à l’artiste contemporain, plasticien ou poète à la recherche de voix neuves pour faire œuvre de sa parole.

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Arts, Arts plastiques

Hu Jiaxing – Alpes (extraits)

Dernière série photographique en date de Hu Jiaxing, qui en a produit 5 importantes lors des 5 dernières années. Les trois premières – Montagne de l’âme (2009), Ignorance (2011), Arbres (2012) – ont fait l’objet, avec divers seaux et peintures réalisés dans la même période, d’une monographie écrite par Arsène Caens et Maximilien Theinhardt, éditée chez Tractions éditions en 2012.

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