Arts, Arts verbaux, Poésie

Hai Zi – quatre poèmes

Hai Zi (海子, 1964-1989), suicidé à 25 ans, est un des poètes chinois les plus célèbres après la Révolution Culturelle. Emprunte de mysticisme, influencée par la philosophie et l’art moderne occidental, sa poésie, très peu connue du public français, connaît aujourd’hui une grande renommée auprès des chinois de la jeune génération.

 

1 –

《答复》

麦地
别人看见你
觉得你温暖,美丽
我则站在你痛苦质问的中心
被你灼伤
我站在太阳痛苦的芒上

麦地
神秘的质问者啊

当我痛苦地站在你的面前
你不能说我一无所有
你不能说我两手空空

 

La Réponse

Champ de blé,
les gens te voient,
sentent que tu es tiède
et beau.
Mais moi je me dresse, debout, au centre de ta question douloureuse.
Je suis brûlé par toi,
je me dresse sur un rayon douloureux de soleil.

Champ de blé,
questionneur mystérieux !

Quand je me dresse souffrant devant toi
tu ne peux pas dire que je n’ai rien,
tu ne peux pas dire que mes mains sont vides.

 

2 –

《秋》

秋天深了,神的家中鹰在集合
神的故乡鹰在言语
秋天深了,王在写诗
在这个世界上秋天深了
得到的尚未得到
该丧失的早已丧失

 

L’automne

L’automne avance, dans la maison des dieux les aigles se réunissent.
Sur la terre natale des dieux, les aigles lancent des paroles.
L’automne avance, le roi écrit des poèmes.
Dans ce monde l’automne avance.
Ce qu’on obtient n’est pas encore obtenu.
Ce qu’on va perdre est déjà perdu.

 

3 –

《讯问》

在青麦地上跑着
雪和太阳的光芒

诗人,你无力偿还
麦地和光芒的情义

一种愿望
一种善良
你无力偿还

你无力偿还
一颗放射光芒的星辰
在你头顶寂寞燃烧

 

L’interrogatoire

Sur le champ de blé vert
courent la neige et les rayons du soleil.

Poète, tu ne peux t’acquitter
de cette amitié du champ et des rayons du soleil.
Un vœu,
une bonté
et tu ne peux pas t’en acquitter.

Tu ne peux pas t’acquitter
d’un astre irradiant de lumière
qui se calcine sur ta tête
solitairement.

 

4 –

《黑夜的献诗
——献给黑夜的女儿》

黑夜从大地上升起
遮住了光明的天空
丰收后荒凉的大地
黑夜从你内部升起

你从远方来, 我到远方去
遥远的路程经过这里
天空一无所有
为何给我安慰

丰收之后荒凉的大地
人们取走了一年的收成
取走了粮食骑走了马
留在地里的人, 埋的很深

草叉闪闪发亮, 稻草堆在火上
稻谷堆在黑暗的谷仓
谷仓中太黑暗, 太寂静, 太丰收
也太荒凉, 我在丰收中看到了阎王的眼睛

黑雨滴一样的鸟群
从黄昏飞入黑夜
黑夜一无所有
为何给我安慰

走在路上
放声歌唱
大风刮过山岗
上面是无边的天空

 

Hymne à la nuit
dédié à la fille de la nuit

La nuit se lève de la terre,
masque le ciel lumineux et la terre déserte après la moisson.
La nuit se lève de l’intérieur de toi.

Tu viens de loin, je vais au loin.
Ici se croisent de longs chemins.
Le ciel ne possède rien,
comment pourtant me console-t-il ?

La terre déserte après la moisson.
On fait la récolte de l’année,
on coupe les céréales, on traîne le cheval.
Profondément enterrés
les gens demeurent dans les champs.

Le râteau scintille, la paille s’entasse pour le feu,
les graines s’amassent dans le grenier de la nuit.
Le grenier est très sombre, très silencieux, très opulent
et très déserté. Dans la moisson je vois les yeux de Thanatos.

Les oiseaux, comme des gouttes noires de pluie,
volent et pénètrent la nuit dans le crépuscule.
La nuit ne possède rien,
comment pourtant me console-t-elle ?

Je marche sur le chemin,
je chante tout haut,
le vent souffle au-delà de la colline.
En haut, c’est le ciel. Immense.

(Trad. Zhang Bo & Yves Bergeret, à Die, juin 2014)

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